Hommage aux musiques du sud (Amérique et Europe…), Boléro est le neuvième disque de Jean-Pierre Como sous son nom et sort sur le label du pianiste, L’âme sœur.
De Padre (1999) – trio avec Dominique Di Piazza et Stéphane Huchard – à Répertoire (2010) – trio avec Diego Imbert et Aldo Romano – Como privilégie les petites formations, qui vont comme un gant à sa musique intimiste. Seule L’âme sœur (2006) s’appuie sur un orchestre de plus de vingt musiciens, dirigé par Pierre Bertrand. Boléro ne déroge pas à la règle. Como a constitué un quartet avec des musiciens qu’il connaît de longue date et qui nagent dans les musiques latines et méditerranéennes comme des poissons dans l’eau : Javier Girotto aux saxophones soprano et baryton, Dario Deidda à la contrebasse et à la basse électrique et Minino Garay aux percussions. L’alter ego de Sixun, Louis Winsberg, joue également sur un morceau. Par ailleurs, Como a demandé à l’accordéoniste Marc Berthoumieux d’assurer la direction artistique du projet.
Sept des onze morceaux ont été composés par Como, Deidda en signe deux, Girotto un et le quartet reprend « Guarda che luna », le tube de Gualtiero Malgoni et Fred Buscaglione. Les boléros de Como ne s’inspirent pas de celui de Maurice Ravel, ni des boléros espagnols du XVIIe, mais de ceux d’Amérique du sud... Boléro enchaîne des morceaux nonchalants et énergiques, dans une ambiance entraînante du début à la fin. Dans l’ensemble, le disque respecte les canons du genre : mélodies enjôleuses, poly-rythmes sur les quatre temps et sonorités soyeuses... Boléro rappelle Nocturne de Charlie Haden (2001), en plus animé.
Avec ses congas et autres percussions, Garay est à la fête : bondissant (« Jours de fête »), vif et léger (« Chorino Amalfitano »), charnel (« Sogni d’oro »), subtil (« Guarda che luna »), dense (« Goutte de pluie »)… Il ne prend qu’un court stop-chorus intense sur ses tambours (« Enlacez-vous »). Deidda joue des motifs dont l’élégance est renforcée par la sonorité boisée de sa contrebasse (« Guarda che luna »). Entre une ligne aérienne (« Jours de fête ») et un rif sourd (« Nicole »), il prend un solo de basse virtuose et mélodieux, dans la lignée de ceux de Di Piazza (« Chorino Amalfitano »). Avec un léger vibrato, Girotto utilise le gros son velouté du saxophone baryton pour les boléros et autres ballades (« Guarda che luna »), tandis qu’il réserve plutôt le soprano pour les morceaux plus dynamiques (« Amour Tango »). Toutes ses interventions sont lyriques, sans jamais sombrer dans la mièvrerie. Des dialogues piquants avec le piano (« Boléro ») aux contrastes entre les aigus et les graves (« Nicole »), en passant par des chorus tendus (« Goutte de pluie »), Girotto révèle un jeu fait de sensibilité et d’aplomb. Avec un touché puissant (« Chorino Amalfitano »), un phrasé clair (« Sogni d’oro », « Enlacez-vous ») et une mise en place chaloupée (« Nicole »), le jeu de Como est sur la même longueur d’onde que celui de Giotto : mélodieux sans affectation.
Pendant que la main gauche se mêle judicieusement à la section rythmique, la main droite expose les thèmes à l’unisson (« Para Biagio »), joue en contrechant (« Jours de fête ») et discute avec le saxophone (« Goutte de pluie ») ou la contrebasse (. »Sogni d’oro »). Quant à l’intervention de Winsberg à la guitare acoustique dans « Guarda che luna », elle est d’une grande classe.
Boléro a un charme indéniable. Como et ses compagnons se sont faits plaisir et cela s’entend : les belles mélodies leur servent de prétexte pour des développements excitants.
Bob Hatteau